Fautes inexcusables de l’employeur : identification et conséquences
Sur le papier, la faute inexcusable de l’employeur ressemble à une anomalie froide, un accroc dans la mécanique du droit du travail. Pourtant, derrière ces mots, ce sont des vies bousculées, des responsabilités qui s’alourdissent, et une justice sociale qui s’affirme.
La jurisprudence de la Cour de cassation a, à plusieurs reprises, clarifié les contours de cette notion et les démarches à accomplir pour obtenir sa reconnaissance. Pour l’employeur, l’addition peut s’avérer salée : la sanction dépasse les simples garanties prévues par la législation sur les risques professionnels.
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Comprendre la faute inexcusable de l’employeur : définition et critères essentiels
La notion de faute inexcusable de l’employeur repose sur un principe limpide : l’obligation de sécurité. Le code du travail et le code de la sécurité sociale imposent à l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection envers ses salariés. Impossible d’y échapper : la Cour de cassation l’a répété avec fermeté. Dès lors qu’un employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger encouru par le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger, la faute inexcusable est caractérisée.
Il ne s’agit pas d’une simple erreur d’inattention. Deux conditions doivent être réunies pour que la faute soit retenue :
- l’employeur savait, ou ne pouvait ignorer, l’existence d’un danger
- il n’a pas mis en œuvre les moyens de prévention appropriés, alors qu’ils étaient à sa disposition
Au fil des années, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé cette notion. Les arrêts du 28 février 2002 sont désormais cités comme référence. Aucune échappatoire possible : délégation de pouvoir, complexité de l’entreprise ou présence d’un cse ou d’un css ne sauraient décharger l’employeur de sa responsabilité.
Une fois la faute inexcusable reconnue, le régime de responsabilité bascule. Ce n’est plus à la victime de tout prouver, mais à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures pour préserver la santé et la sécurité au travail. La charge de la preuve s’intensifie, la protection du salarié s’affirme.
Comment faire reconnaître la faute inexcusable en cas d’accident ou de maladie professionnelle ?
L’objectif, pour la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle : obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable. La procédure obéit à des étapes précises. Le salarié, ou ses ayants droit s’il est décédé, doit d’abord saisir la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), qui en informe l’employeur. Une phase de tentative de conciliation s’ouvre alors, sous l’égide de la CPAM, pour tenter de rapprocher les positions. Si aucun accord n’émerge, le dossier prend la voie judiciaire.
La suite se joue devant le tribunal judiciaire (ex-TASS), seule juridiction compétente pour statuer sur la faute inexcusable de l’employeur. La victime doit, preuve à l’appui, établir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas agi pour assurer la santé et la sécurité au travail. Les éléments suivants peuvent s’avérer décisifs :
- témoignages circonstanciés,
- comptes-rendus du cse,
- rapports de l’inspection du travail,
- documents médicaux pertinents.
La procédure est rapide, le contentieux technique. Exception faite de quelques cas marginaux de médiation d’entreprise, la voie judiciaire s’impose. À noter : le conseil de prud’hommes n’intervient pas ici, seul le contentieux de la sécurité sociale est compétent. L’issue dépendra de la solidité des preuves et de la précision du dossier.
Conséquences pour l’employeur et droits à indemnisation pour le salarié
Quand la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, le cadre change brutalement pour la direction. Le système légal ne laisse aucune place à l’improvisation : l’employeur doit alors verser une majoration de la rente ou du capital à la victime, prise en charge par la CPAM. Ce supplément peut doubler la somme initialement prévue.
Pour la personne concernée, ce constat ouvre de nouveaux droits. Elle peut obtenir la réparation intégrale des préjudices subis, bien au-delà de la compensation forfaitaire classique. Voici les types de préjudices pour lesquels le salarié peut demander réparation :
- prise en compte du déficit fonctionnel permanent,
- indemnisation des souffrances physiques et morales,
- compensation de la perte de revenus,
- remboursement des frais d’assistance par une tierce personne, d’aménagement du logement ou du véhicule,
- indemnisation de préjudices spécifiques : préjudice d’agrément (perte d’activités de loisirs), préjudice esthétique, préjudice sexuel, préjudice d’établissement (impossibilité de construire un projet de vie).
L’impact financier de la faute inexcusable employeur ne s’arrête pas là. Aux sommes déjà évoquées s’ajoutent parfois les frais d’expertise et les intérêts légaux. La CPAM peut également engager une action contre l’employeur pour récupérer une partie des montants versés. Un système de réparation complet, qui rappelle à chaque employeur que la prévention ne se négocie pas.
Face à la gravité d’une faute inexcusable, l’entreprise ne peut que mesurer l’étendue de ses responsabilités. Le droit du travail, ici, ne se contente pas de fixer des règles : il exige, il protège, il sanctionne. Et chaque accident reconnu vient rappeler que la vigilance n’est jamais superflue.
